On dit que la cuisine du nord thaïlandais mérite qu’on s’y attarde, et ce n’est pas un hasard. Au cœur de cette région, l’histoire et la géographie s’entremêlent pour donner naissance à une gastronomie à part, façonnée par les montagnes, la forêt, et des siècles d’influences croisées. Cette mosaïque culinaire porte clairement la marque de l’ancien royaume de Lanna, un héritage qui la distingue sans équivoque du reste du pays.
L’héritage du royaume de Lanna
Nichée derrière ses montagnes, la région a suivi ses propres chemins culinaires, loin de l’agitation des grandes plaines centrales. Le Lanna, ouvert sur la Birmanie comme sur la Chine, compose avec tout ce que ses voisines lui ont soufflé : des épices indiennes, des nouilles inspirées de l’Empire du Milieu, une réinterprétation personnelle des grands classiques birmans. Ce mélange, au lieu d’édulcorer la personnalité du nord, lui donne sa force.
Pour celles et ceux qui rêvent d’un voyage en Thaïlande marqué par la découverte de goûts inédits, la zone de Lanna trace un itinéraire à part. Ici, le marché regorge de coriandre, de basilic doux, de racines tenaces et de champignons sauvages. Aux fourneaux, la préférence va aux cuissons lentes, au feu de bois ou aux préparations retravaillées avec patience : chaque ingrédient prend sa place, rien n’emporte tout sur son passage, et la générosité s’exprime dans chaque assiette.
Le relief, sculpteur de saveurs et de traditions
Les montagnes ne dessinent pas que l’horizon, elles guident aussi la main du cuisinier. Les hivers sont plus frais, alors les recettes deviennent des alliées contre le froid, pensés pour réchauffer et revitaliser. Le choix des viandes suit cette logique : poitrine ou jarret de porc, le tout marié à de l’ail, du gingembre, et des goûts puissants. Rien de fade, tout est fait pour soutenir les hommes et les femmes du nord dans leur quotidien vallonné.
Selon la saison, sur les tables locales, on trouve des champignons récoltés parmi les arbres, des légumes ou fruits plus discrets ailleurs, portés par une cuisine qui ne triche pas sur ses origines : un attachement profond à la terre, au terroir, à l’esprit des montagnes. Impossible de confondre les spécialités affrontant le climat du nord avec la cuisine du sud ou la street food de Bangkok.
Rencontre avec les plats signatures
Dès la première bouchée, certains plats racontent sans détours la culture du nord. Le Khao Soi, pour commencer : un curry jaune crémeux, chargé de lait de coco, nappe des nouilles et s’enrichit de viande, le tout coiffé de nouilles frites pour le croquant, accompagné de piment, citron vert, échalote. Fusion parfaite entre la Birmanie et la tradition locale, il a l’art de réconforter les voyageurs comme les habitants.
L’incontournable Kaeng Hungley offre une autre facette : du porc mijoté, imprégné de gingembre, curcuma, tamarin avec une belle rondeur d’épices. Là, pas de lait de coco, alors la sauce joue sur la douceur, l’acidité, une pointe de sucre et une présence légère du piquant. Cette recette s’invite toujours lors des grands repas de fête.
La Sai Oua, saucisse qui fait la fierté de Chiang Mai, multiplie les saveurs : porc haché, piment séché, citronnelle, feuilles de kaffir, galanga, le tout grillé au charbon pour une note fumée. Quant au Nam Phrik Ong, c’est une sauce de porc haché, tomate et piment qui, malgré sa couleur rouge vive, donne une douceur surprenante, rien de brutal, simplement une introduction idéale à la palette du nord.
Au final, chaque plat raconte une histoire, chaque repas partagé sur un plateau rond type Khan Tok ou autour d’un simple bol de Khao Soi rappelle que la table dans le nord de la Thaïlande, c’est bien plus qu’un rite quotidien : c’est le fil rouge d’un héritage vivant, où chaque bouchée transmet un fragment de patrimoine. Ici, l’invitation à goûter n’est jamais anodine.

